—
Réunis par centaine par le Réseau des carrefours jeunesse-emploi du Québec, les CJE ont collaboré à rédiger ce narratif qui intègre une multitude de témoignage et de parcours marquants dans les Carrefours. Cette histoire, c’est la nôtre, celle de centaines d’organisations, de milliers d’intervenants, d’administrateurs et administratrices et de centaines de milliers de jeunes. C’est un équilibre délicat entre engagement émotionnel, crédibilité narrative, et pertinence politique, visant à inspirer le lecteur non seulement à se soucier d’une cause mais aussi à prendre des actions concrètes pour y contribuer.
—
Monsieur Legault,
Monsieur le premier ministre,
Monsieur l’ancien ministre de la Jeunesse,
Nous souhaitons vous adresser quelques mots, nous ces jeunes de plus en plus nombreux, de plus en plus divers, mais qu’on voit et qu’on entend de moins en moins.
« Je n’ai plus aucun espoir pour l’avenir de notre pays si la jeunesse d’aujourd’hui prend le commandement demain parce que cette jeunesse est insupportable, sans retenue, tout simplement terrible. La fin du monde ne peut être loin »
Voici le type de préjugés que l’on entend aujourd’hui sur nous. Mais savez-vous quoi ? Cette déclaration a plus de 3 000 ans ! Ne serait-il pas temps de moderniser nos approches ? Pour notre avenir et celui du Québec ; il est temps de voir grand !
Avec le Réseau des CJE du Québec, qui accompagne plus de 150 000 d’entre nous chaque année, nous appelons à bâtir un nouveau contrat social avec la société civile, les entreprises privés, l’administration publique et nos élus.
Nous ambitionnons des politiques publiques jeunesse modernisée, adaptée à une nouvelle ère et capable de proposer des solutions plus pertinentes pour relever les défis du 21e siècle.
Pour refonder ce contrat social, il nous incombe de renforcer la solidarité entre les générations. Nous sommes reconnaissants envers nos ainés des institutions qu’ils nous lèguent. Nous devons aussi avoir la certitude que nous avons un rôle à jouer dans la société, que notre avenir est viable et, parallèlement, voir que la société et donc le gouvernement croit et investi en nous.
Il faut reconnaitre le rôle essentiel de nos intervenants, les décharger d’une lourdeur administrative qui dénature leur travail et mettre fin à notre exclusion de certains services publics.
Nous voyons les nombreux périls qui pèsent sur notre avenir. Nous ressentons déjà les effets des dérèglements climatiques, de la perte de biodiversité, la multiplication des conflits sur la planète, l’explosion des enjeux de santé mentale, du décrochage scolaire et du chômage.
Nous sommes inquiets d’être la première génération à vivre moins bien que nos parents.
Il nous faut donc recréer du commun pour briser cette épidémie silencieuse de solitude, d’isolement social et de cynisme qui nous habitent.
De plus, les façons dont nous vivons, travaillons, consommons, interagissons sont amenés à se transformer radicalement. C’est donc nous et les générations futures qui devront supporter les conséquences de nos actions ou pire de nos inactions. Nous devons alors décider ensemble, avec, par et pour les jeunes comment améliorer le présent et préserver l’avenir.
Nous sommes plus de 2 millions au Québec entre 15 et 35 ans.
Nous avons des rêves, des besoins et des espoirs.
Portant, nous sommes plus de 10 000 à quitter les bancs d’école chaque année sans diplôme.
Pourtant, nous sommes plus de 200 000 à n’être ni aux études, en emploi ou en formation (NEEF)
Pourtant, notre santé mentale est préoccupante, les idées noires prennent racines, comme parmi les 25% d’entre nous qui ont pensé qu’« il serait mieux mort ».
Pourtant, notre taux de chômage explose ces derniers mois, plus de 10%, soit plus que le double du reste de la population.
Pourtant, l’accès à la propriété nous apparait si lointain.
Comment alors résister au cynisme et au décrochage civique? Pour la première fois, c’est moins de la moitié d’entre nous qui ont voté aux dernières élections générales.
Pourtant, nous voulons être des acteurs des transitions verte et technologique.
Nous sommes même la principale solution à la pénurie de main d’œuvre, et nous souhaitons acquérir les compétences du futur dans un monde où 85% de emplois qui seront
développés en 2030 n’existent pas encore.
C’est pourquoi nous sommes récemment allés dans un CJE, plein de monde bous en avait parlé. Nous avons ouvert l’ouvert la porte comme plus d’un million de jeunes avant nous.
On nous y a accueilli sans nous juger. On nous a pris tel que tel, pour une fois on a cru en nous et on nous proposé de nous accompagner à devenir qui nous sommes.
Nous sommes plus de 1 700 personnes dédiées à l’accompagnement des jeunes dans 111 CJE présents dans toutes les régions du Québec. Nous sommes profondément attachés à nos coins de pays et intensément investis dans les parcours de nos jeunesses plurielles. Nous entretenons des liens étroits avec des professeurs, avec des employeurs et des entrepreneurs, avec des gens qui rayonnent dans les milieux culturels, de la santé et de l’écocitoyenneté, avec du beau monde tout aussi investi que nous et qui travaillent dans les Aires ouvertes, les Centre Jeunesse, chez nos partenaires communautaires et institutionnels. Bref on vit pleinement avec et dans notre communauté.
Pourtant, c’est rendu qu’on passe plus de temps à remplir des formulaires, à cocher des cases qu’à accompagner des jeunes… Nous sommes submergés par la paperasse et la bureaucratie, ce qui nous éloigne de plus en plus du cœur de notre métier : l’humain. Il s’agit d’une vision purement comptable et utilitariste de nos actions, ce qui entre même en contradiction avec nos missions. Ce rêve de tout contrôler, tout mesurer, tout jauger, pour prétendre mieux saisir le réel, réussit le tour de force de dissoudre le sens même de notre travail.
Dans le cas de nos métiers fondés sur l’humain, cette bureaucratie est particulièrement inadaptée. L’invisible est nié. Ces petits signes, presque imperceptibles, que seuls nous, après avoir créé un lien de confiance avec un jeune, pouvons détecter. Cet « invisible » là ne se mesure pas. Nous n’endossons donc pas la logique qui vise à faire de nous des agents de saisie de données quand tant de jeune ont besoin de nous.
Et ce n’est pas tout. Nous entendons toutes sortes de choses sur des coupures possibles ou effectives dans les fonds que le gouvernement nous octroie. Déjà qu’on fait des miracles avec des moyens limités. Et là ça dérape. Depuis le début de l’année on a constaté qu’il y aurait déjà plus de 10 000 jeunes exclus des programmes! Ça n’a aucun sens. Bien sûr qu’on va se débattre pour trouver une façon de les accompagner mais c’est dur quand on entend parler de coupures, de l’abandon des mesures d’orientation, quand on ajoute des critères pour exclure encore plus de jeunes, quand on fracture nos territoires en décidant une chose au national et son contraire au régional.
Nous sommes inquiets : 76 % d’entre nous trouvent l’avenir effrayant et près de la moitié pensent que l’humanité est condamnée. Il nous est parfois plus facile d’imaginer la fin du monde qu’un avenir désirable. Comment bâtir le futur quand ceux qui l’incarne n’y croit plus ? Il nous faut donc raviver l’espoir et cultiver les imaginaires.
Nous souhaitons bâtir le Québec avec les jeunes et ceux qui se soucient d’eux. Nous voulons forger un nouveau consensus québécois sur ce à quoi notre avenir devrait ressembler et sur les moyens que nous pouvons déployer.
Nous pourrions échanger ainsi sur la nécessité de bâtir un nouveau Sommet des jeunesses après ceux de 1983 et de 2000, envisager un Conseil national des jeunesses pour nourrir les politiques publiques, entrevoir la possibilité d’un ministère qui nous serait exclusivement dédié ou encore renforcer un Plan d’action pour la Jeunesse plus ambitieux et soutenir la modernisation des Carrefours JEunesse.
Les CJE ont proposé une avenue visionnaire pour l’avenir des jeunes dont les besoins et les aspirations ont radicalement changé. Ce projet c’est Carrefour JEunesse, des CJE ouverts sur la réalité des jeunes et de leurs territoires. Nous sommes déterminés à faire de Carrefour JEunesse un antidote au pessimisme par rapport à l’avenir des jeunes donc de notre avenir en commun
Investir dans la jeunesse c’est rentable pour la santé sociale, économique, écologique et culturelle du Québec. C’est ce que nous avons partagé récemment avec un grand nombre d’élus qui nous représentent à l’Assemblée nationale.
Monsieur Legault, récemment, vous nous interpelliez dans une vidéo où vous nous proposez de « retourner aux sources de ce qu’on est ». C’est ce que nous avons fait en retournant aux sources de la création des CJE par le premier ministre Jacques Parizeau en 1995.
Monsieur Legault, vous ajoutiez qu’il faut se mobiliser autour du changement. « C’est pour ça qu’on a été élu, pour changer ce qui ne marche pas ».
On veut aussi changer les choses qui ne marchent pas.
On peut changer les choses qui ne marchent pas.
L’équation est simple : il faut des idées (nous n’en manquons pas !), des ressources (elles sont disponibles mais doivent être mieux organisées et bonifiées) et de la volonté politique.
Monsieur le premier ministre, nous sommes prêts,
Et vous, êtes-vous prêt à léguer Carrefour JEunesse comme héritage aux générations futures ?